A quoi ressemble le quotidien d’un boucher ? Qu’est-ce qui l’anime dans l’exercice de sa profession et à quels enjeux peut-il être confronté ? Ludovic Robineau, boucher / pareur-désosseur sur le site Charal de Cholet répond à toutes ces questions.
En France, le travail des bouchers évolue au gré des modifications des comportements alimentaires de la société, tout en préservant le savoir-faire traditionnel de la profession. Pour cela, 100 000 jeunes se forment encore chaque année au métier, selon la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteur (CFBCT), et 1500 adultes font le choix d’une reconversion vers cette profession.
Ce fut le cas de Ludovic Robineau. Ce pareur-désosseur plein d’énergie est engagé depuis vingt ans chez Charal à Cholet. Entretien.
Qu’est-ce qui vous a amené à vous engager dans une carrière de boucher / pareur-désosseur ?
Pour moi, c’est une histoire de famille ! Mon oncle et mes cousins travaillaient en boucherie, on peut donc dire que j’ai toujours eu un pied dedans. Pourtant, ma formation initiale ne me destinait pas à une telle carrière. Pendant dix ans, j’ai travaillé en tant que cuisinier dans des restaurants gastronomiques.
C’est à 25 ans que j’ai décidé de changer de voie afin d’avoir des horaires de travail plus compatibles à une vie de famille. C’est ainsi que j’ai intégré l’usine Charal à Cholet, en passant par différents ateliers au fil de mon parcours. Je m’occupe aujourd’hui du désossage des quartiers arrières des bovins.
Pour passer de la cuisine à la boucherie, quelle formation avez-vous dû suivre ?
J’ai été formé en interne, au sein de Charal, pendant deux années entières. Ces années de formation sont nécessaires afin de connaître les gestes de pareur-désosseur. Il faut apprendre comment utiliser ses couteaux, comment ne pas trop forcer et comment les aiguiser avec un fusil. C’est un véritable geste à travailler. Et puis, il est primordial d’avoir une grande connaissance de l’animal et de ses muscles. C’est pourquoi on suit des cours théoriques sur l’anatomie de la viande bovine.
Deux ans après cette formation, j’ai également passé la certification de qualification professionnelle (CQP).
Le parcours d’un pareur-désosseur
LE SAVIEZ-VOUS ?
La Certification de Qualification Professionnelle Technicien Boucher Artisanal permet d’acquérir les compétences de base pour exercer la profession, équivalentes à celles que l’on obtient lors d’un CAP Boucher. Ce parcours de formation est un bon moyen d’accéder au métier de boucher notamment en reconversion professionnelle.
Le métier de pareur-désosseur
En quoi consiste votre métier ?
En ce qui me concerne, je travaille sur la ligne des arrières, c’est-à-dire que je me concentre sur les muscles de la tranche grasse, du gîte, du rond de gîte, du rumsteck, du nerveux et du jarret. En tant que désosseurs, nous sommes responsables de la première étape de la découpe à partir des quartiers de la viande. Nous désossons donc la carcasse pour séparer les muscles de l’animal. Une fois le muscle sorti de sa carcasse, je vais parer la viande, c’est-à-dire, enlever les morceaux de nerfs excédentaires pour obtenir un muscle parfait. C’est un travail véritablement cadencé, dans lequel il est primordial de respecter le muscle, pour atteindre une qualité produit irréprochable à l’aide d’un cahier des charges strict.
Comment se passe généralement l’une de vos journées ?
Tout d’abord, mes horaires de travail changent une semaine sur deux : soit 4h15-12h30, soit 12h30-20h45, c’est ce qu’on appelle les 2 x 8. Lorsque je commence à 4h15, je me lève à 3 heures pour commencer ma journée. La première chose que l’on fait en arrivant à l’atelier est de se mettre en tenue avec les protections auditives, le tablier et les gants, et de passer par les sas d’hygiène. Pour éviter de se blesser et démarrer le désossage dans de bonnes conditions physiques, on passe ensuite à une séance d’échauffement de dix minutes.
Une fois mes muscles réchauffés, je suis prêt à m’installer sur la chaîne, à mon poste de désossage. Nous adaptons notre travail à la vitesse de mise en mouvement de la chaîne, c’est pourquoi cela demande une grande concentration. Mon but est de réaliser le désossage parfait de la cuisse notamment, tout en respectant ce temps de cadence. Ce désossage s’effectue en hauteur sur une passerelle, pendant toute la première partie de ma journée, pendant quatre heures trente environ.
Après une pause déjeuner, je descends à un poste de parage. Les cuisses y arrivent désossées sur un tapis pour qu’on en sépare les différents muscles tels que la tranche grasse, le gîte, le rond de gîte, le rumsteck, et le jarret. Pour ce qui est du rumsteck par exemple, on sépare l’aiguillette, le cœur, le filet, la langue de chat et le bourguignon. Tous ces muscles séparés et parés iront directement à l’éplucheuse, pour que la machine enlève toute l’aponévrose, c’est-à-dire l’enveloppe fibreuse qui sépare les muscles, et qu’ils soient lissés.
Bien-sûr, ici, on tourne pour changer de famille de muscle toutes les demi-heures. C’est important afin d’éviter les gestes répétitifs, tout est mis en œuvre pour qu’il n’y ait pas la moindre blessure de boucher. Enfin, après quatre heures de parage, je termine ma journée, en passant dans le sas d’hygiène, et en posant ma coutelière pour qu’elle soit lavée, désinfectée, et que je puisse la réutiliser le lendemain. Nous avons d’ailleurs chacun notre coutelière qui contient donc à la fois des outils de parage et de désossage.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Il faut entre 20 et 30 minutes pour désosser un arrière global c’est-à-dire la cuisse et le déhanché, qui sont composés de 35 muscles différents.
Maîtriser un savoir-faire et respecter les règles d’hygiène
Votre activité requiert un véritable savoir-faire !
En effet, nous réalisons un travail de minutie et pour lequel il faut une forte dextérité. D’où l’importance de bien connaître l’anatomie de l’animal et de maîtriser ses couteaux. Chaque bovin est différent, c’est à nous de juger au visuel où il faut placer le couteau pour ne pas abîmer dans le muscle. En faisant le parage par exemple, je dois faire très attention à passer la lame entre le muscle et la couche de gras ; on appelle cela « dégraisser à fleur d’aponévrose ».
Quelle autre qualité faut-il avoir pour être boucher ?
Il faut surtout de la motivation et l’envie de réaliser un super travail pour avoir de bons produits en grande surface. Personnellement, ce que je préfère et qui me motive au quotidien, c’est la satisfaction que l’on donne aux consommateurs. J’ai la chance d’aller à la rencontre des consommateurs en tant que boucher dans le cadre des villages départ des courses nautiques telles que le Vendée Globe ou encore la Route du Rhum.
Je prends toujours du plaisir à rencontrer les consommateurs, à échanger avec eux et à voir la satisfaction qu’ils ressentent à la dégustation des produits. C’est grâce au travail que l’on réalise en amont de la vente que la dégustation peut leur procurer du plaisir après la cuisson.
Nourrir les Français et voir nos clients avec le sourire me motive, c’est ce qui donne du sens à mon métier. Sans compter le sentiment de participer à une chaîne, celle qui va du champ à l’assiette. On se donne pour valoriser la matière première qui est précieuse, ce sont les bovins que nos éleveurs ont pris le soin d’élever.
Y a-t-il un enjeu particulier auquel un boucher doit faire face aujourd’hui ?
Les choix alimentaires des Français évoluent. Ils portent aujourd’hui leurs choix sur des pièces de qualité – en étant notamment attentifs aux labels et à l’origine de la viande – et sur une plus grande variété d’options alimentaires. C’est aux bouchers d’essayer de trouver de nouvelles découpes, d’imaginer de nouveaux produits, plus faciles à consommer, pour renouveler l’expérience viande et faire en sorte qu’elle continue d’être au cœur des repas. C’est à cet enjeu-là, donc à la sélection des meilleurs morceaux que je me dévoue au quotidien.
Quels conseils adresseriez-vous à quelqu’un qui souhaite se lancer dans la même carrière que vous ?
J’aimerais pouvoir lui dire que la motivation reste le moteur le plus important de notre profession. Il s’agit d’un métier technique, de dextérité, de passion. Même dans l’industrie, cela reste un métier de savoir-faire que l’on est fiers de transmettre aux nouveaux arrivants et aux jeunes générations. Et ce n’est pas parce que l’on est sur un métier traditionnel qu’il n’y aura pas de challenge et que l’on n’est pas sollicité pour créer de nouvelles choses, pour innover.
J’aimerais aussi lui garantir qu’il constatera rapidement le plaisir de voir les consommateurs apprécier la viande que l’on met du cœur à préparer. Enfin, j’aimerais lui rappeler que la réalité du métier demande un vrai savoir-faire et qu’il est donc nécessaire de perfectionner jour après jour ses gestes pour atteindre une aisance d’exécution parfaite.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Environ 450 bouchers œuvrent quotidiennement pour Charal dans les différents ateliers de désossage, parage et de piéçage de la viande bovine.
Chez Charal, chaque boucher a bénéficié d’un parcours de formation et d’intégration au sein de l’entreprise. Pendant leurs six premiers mois au sein des ateliers, ils ont alterné entre formation pratique et formation théorique afin d’obtenir les savoir-faire nécessaires à l’exercice de leur profession. Après quoi ils sont accompagnés pendant un an d’un tuteur qui les fera gagner peu à peu en autonomie.