L’été est là, et les barbecues sont de sortie. Place aux appareils rutilants et aux fumets enivrants ! Petits et grands, amateurs et experts, tous se réunissent pour profiter d’un des moments les plus conviviaux de l’année. Mais comment expliquer que cette pratique aux origines archaïques puisse être aussi fédératrice aujourd’hui encore ? Pour le savoir, nous avons interrogé le sociologue Ronan Chastellier.
Camping, pique-nique, barbecue… Au retour des beaux-jours, les activités de plein-air reprennent de plus belle. Qui aurait cru qu’après plus de 500 ans d’existence, la culture du barbecue serait plus forte que jamais ?
Si celle-ci s’est importée en France à partir des années 50 seulement, elle est aujourd’hui l’une des activités préférées des Français en été, mais pas que. Car la pratique a connu des évolutions depuis sa démocratisation et s’est ouverte à tous les publics et tous les goûts. Pour comprendre cette convivialité qui caractérise la pratique, un détour historique et sociologique s’impose.
Entre tradition et modernité, le barbecue de 2022 ne cesse de se réinventer
Les origines sociales du barbecue : de sa démocratisation au milieu du XXème siècle à aujourd’hui, il a gagné toutes les franges de la population.
Si le barbecue est une pratique ancienne de plus de 500 ans, sa démocratisation, elle, ne date que du XXème siècle. L’une des raisons est la création en 1952 des barbecues à couvercle imaginés par Georges Stephen, l’inventeur du barbecue Weber, qui enthousiasme de par la qualité de la cuisson.
Mais si le barbecue fait fureur aux États-Unis, en France, il n’en est pas de même. Cela va changer après la Seconde Guerre mondiale. La raison ? L’arrivée des GI a apporté un vent de culture américaine sur le Vieux Continent. Cinéma, télévision, musique et même gastronomie…
L’American Way of Life s’exporte rapidement en France. C’est la période des Trente Glorieuses, les ménages sont plus à l’aise financièrement et les classes moyennes s’éloignent des villes pour s’établir en banlieue dans des maisons avec jardin.
Aujourd’hui, 6 Français sur 10 possèdent un barbecue ou une plancha (sondage BVA pour Weber). Un chiffre qui s’est accru au fil des confinements : en deux ans, le marché a progressé de 15% [1]. L’enfermement obligé et la météo avantageuse a poussé les ménages à davantage de repas partagés, notamment en plein air.
Désormais, chacun peut avoir un barbecue chez soi. Barbecue à charbon, à gaz, électrique… Il se pratique aussi bien en terrasse que sur un balcon. Pour répondre à la forte demande, il en existe de toutes tailles, pour tous budgets et pour toutes les expertises.
Ce large marché permet à chaque classe sociale de trouver le barbecue qui lui convient, que ce soit pour préparer les incontournables merguez et chipolatas ou pour animer une garden-party chic.
Autre changement : la féminisation de la pratique. Certes, celle-ci reste en grande majorité masculine, mais se féminise peu à peu. La preuve en est avec l’arrivée d’équipes féminines au Championnat de France de barbecue. Le traditionnel barbecue au charbon de bois a certes évolué, mais son esprit festif attire toujours autant.
Etude BVA pour Weber 2019 :
Autour de la même table, amateurs de bonne viande et végétariens partagent un moment agréable grâce au barbecue
L’intérêt croissant pour le barbecue a apporté de nouvelles tendances de consommation dont une plus grande variété d’aliments à griller. Car le barbecue n’est plus réservé uniquement aux viandes : d’après le baromètre BVA-Weber, 62% des Français l’utilisent pour cuisiner des légumes et 58% pour cuisiner du poisson, soit 15 points de plus qu’il y a trois ans, note Le Parisien. Le flexitarisme prend donc de l’ampleur et se constate jusque sur le grill du barbecue.
La viande demeure le principal ingrédient d’un barbecue pour 87% des Français, selon Kantar Worldpanel publiée par le site FranceAgriMer. Pour satisfaire tous les consommateurs, les bouchers proposent aussi bien des brochettes de viande que de légumes. Aux clients de choisir entre les incontournables brochettes de bœuf et de poivrons, le duo chipolatas et merguez, les délicieuses côtes de bœuf ou de jeter leur dévolu sur les légumes grillés ou l’halloumi, ce fromage à griller au barbecue.
Une chose est sûre, les épis de maïs, les tomates et les poivrons trouveront leur place entre deux morceaux carnés sur une brochette ou comme plat principal. Si les saucisses restent la prédilection pour un barbecue, les principales viandes cuisinées sont le bœuf, le porc et la volaille [2]. Difficile d’y résister une fois passées sur le grill ou cuites en papillote. Qu’importe l’aliment tant que celui-ci est bien cuit et que tous passent un bon moment.
Les bienfaits pour le moral de se retrouver autour d’un barbecue
Les contextes pour la pratique du barbecue sont favorables au bien-être : réunions de famille, entre amis, entre collègues, en vacances…
Pourquoi le barbecue est-il si convivial ? « Il y a moins de sérieux et de gravité pontifiante que dans les repas habituels », explique le sociologue Ronan Chastellier. « Il y a une forme de primitivité dans le barbecue qui incite à davantage d’attention à l’autre, une redécouverte de l’autre. On peut tout se dire à un barbecue, il y a un côté désinhibé, il y a une rhétorique assez familiarisante », ajoute-t-il.
Le côté éphémère et spontané de la pratique donne l’occasion d’inviter des contacts variés moins définis à l’avance que lors d’un dîner figé. « Il y a une forme d’omni-inclusivité », remarque Ronan Chastellier. L’ambiance décontractée d’un barbecue offre même l’occasion à plus de rencontres : 61% des Français estiment qu’il est plus facile de faire des rencontres à un barbecue qu’à un repas classique », indique Ronan Chastellier.
Alors que les dîners mondains sont des activités cérémonielles » pour reprendre le terme du sociologue Erving Goffman, le barbecue, lui, se dévêt de diverses règles sociales et permet plus d’interactions. « Le barbecue est un élément de décor, ce qui compte, c’est d’être ensemble », constate Ronan Chastellier.
Le barbecue est aussi synonyme de soleil, de vacances et de détente. C’est l’époque de l’année propice à la cuisine en extérieur où l’on prend le temps de profiter des beaux jours. Une utilisation saisonnière amenée à évoluer.
En effet, plus d’une personne sur trois (35%) pratique le barbecue toute l’année, selon le sondage BVA mené pour Weber. Aujourd’hui, ils sont même 77 % à utiliser leur appareil en automne et 36 % en hiver. Quant aux Français qui ne le font pas, ils sont 69 % à souhaiter pouvoir cuisiner au barbecue ou à la plancha toute l’année.
Etude BVA pour Weber 2019 :
Le plaisir partagé de cuisiner à l’extérieur, parmi le groupe, sans être isolé dans la cuisine
Si la cuisine en extérieur est aussi plébiscitée, c’est qu’elle est fédératrice. Pas question que l’hôte de maison s’affaire en cuisine, au contraire. Un barbecue lui permet de cuisiner tout en étant au milieu de ses convives. Chacun est libre d’aller et venir, de se servir de grillades, de discuter avec le cuisinier… Cette liberté inhérente au barbecue explique l’aspect si convivial de la pratique.
Moins de formalisme, moins de convenance : le barbecue est aussi agréable pour les convives que pour l’hôte, notamment en termes de tâches ménagères et d’organisation qu’incombe ce type de réception. Certes, le plus il faudra récurer la grille du barbecue, mais pour le reste, la simplicité est de mise. Nul besoin de prévoir pour chaque invité, chacun se sert comme il le souhaite.
Etude BVA pour Weber 2019 :
L’odeur de saveur fumée, la météo propice, le plein-air… Cuisiner en extérieur est une vraie communion avec la Nature. « C’est une espèce de Rousseauisme un peu diffus et moderne, c’est une retrouvaille Homme-Nature », explique Ronan Chastellier. « Pendant longtemps, le barbecue a été un refus de complexité alimentaire, une situation anthropologique archaïque », ajoute-t-il.
Mais le sociologue note une modernisation des appareils et de la pratique ces dernières années. « Je pense qu’il y a un effet Top Chef qui arrive sur le barbecue », analyse Ronan Chastellier. « Au-delà de la dimension populaire, il y aussi une dimension culinaire, une gastronomie qui reformule le côté saucisses-bière à quelque chose de plus glamour », ajoute-t-il.
En définitive, les soirées barbecue sont bien plus bénéfiques qu’il n’y paraît : il permet de créer du lien social avec des amis et des collègues, de faire des rencontres et de se détendre tout en se régalant de bons aliments. Quel que soit l’âge ou les revenus, le barbecue est la promesse d’un moment de plaisir et de sociabilité, une vraie parenthèse au quotidien.
Quelques conseils pour bien réussir son barbecue
Pour réussir son barbecue, il est nécessaire de procéder par étapes. Tout d’abord, il faut nettoyer les grilles pour enlever les résidus noirs. Ensuite, se pose la question du combustible : du charbon de bois (dans ce cas, un charbon de bonne qualité et épuré), des briquettes de charbon de bois, des coques de noix de coco, du bois de vigne…
Enfin, il est préférable d’utiliser des allume-feu naturels (papier ou petit bois) ou écologiques, mais jamais de liquide inflammable. Il n’y a plus qu’à allumer le charbon en avance afin de donner le temps aux braises de se couvrir d’une pellicule de cendre blanche. Ce n’est qu’à ce moment-là que peut débuter la cuisson.
Pour une barbecue party réussie, l’idéal est de proposer un peu de tout : de la viande bien sûr, des légumes, un peu de fromage et même des desserts (des fruits ou de la guimauve à griller par exemple).
En ce qui concerne la viande, les meilleures pour le barbecue sont le poulet, le bœuf (l’entrecôte, la côte de bœuf, la bavette, le steak haché à préparer en burger ou en brochette…), le porc (les travers, l’échine…) et du magret de canard. Il peut aussi être bon de préparer une marinade pour attendrir la viande ce qui lui donnera d’autant plus de saveurs. On peut en préparer une un peu relevée avec des épices orientales, des herbes et un peu de miel, ce sera délicieux.
Il est aussi tout à fait possible de cuisiner du poisson au barbecue comme des sardines, du maquereau, du saumon, du bar ainsi que des crustacés. Et, pour finir en beauté, on pense au dessert : des brochettes de fruits à caraméliser !
Vient ensuite l’étape principale : la cuisson. Surtout, on évite de piquer la viande, la graisse risque de goutter sur le charbon, d’assécher la viande et de provoquer des petites flammes. En plus d’être mauvaise pour la santé et moins gustatif, la fumée va imprégner la viande. Pour éviter cela, il suffit de retourner la viande avec une spatule.
On peut aussi limiter le problème avec un barbecue vertical. Ce système permet aux graisses de couler dans un réservoir de récupération et d’éviter les braises. Enfin, il est important de ne pas placer la viande trop près du feu, mieux vaut la positionner à 25-40 cm. Selon la viande, la cuisson sera plus ou moins vive. Il n’y a plus qu’à attendre qu’elle cuise, une boisson fraîche à la main et de profiter du moment.
[1] L’Obs – Les nouvelles mythologies (2/7) : Le barbecue, à l’aise, braises
[2] Enquête Opinionway/Campingaz 2014
Sources utiles :
- Le barbecue s’aventure hors des sentiers battus, le Monde 2021
- Etude Weber sur les français et le barbecue
- L’Obs – Les nouvelles mythologies (2/7) : Le barbecue, à l’aise, braises !
- Le Monde – Le barbecue : un plaisir de cuisiner décontracté et en plein air
- Le Parisien – Viande, poisson ou légumes grillés… pourquoi les Français aiment tant le barbecue
- Le Monde – Le barbecue : un plaisir de cuisiner décontracté et en plein air
- BVA pour Weber – Les Français et Le Barbecue
Observatoire sur les Français et les loisirs en plein air Campingaz – OpinionWay (février 2014)