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TENDANCES ALIMENTAIRES

Dry january, Veganuary, que se cache-t-il derrière ces tendances ?

Vous connaissez sans doute le « dry january », mais avez-vous entendu parler du « veganuary » ? Ces mois sans alcool, viande ou sucre, de plus en plus populaires, consistent à stopper net une habitude le temps d’un mois. Des tendances qui peuvent avoir des effets positifs pour certains, mais créer une frustration alimentaire pour d’autres, avec conséquences.

Sans alcool, sans viande, sans sucre, sans tabac… Depuis quelques années, la tendance des « mois sans » est partout. Censés venir rééquilibrer les nombreux excès faits tout au long de l’année, ils permettent également de fédérer des groupes d’individus autour d’objectifs et de challenges communs. Bien que de plus en plus populaires, ces mois de privation ne s’inscrivent pas dans les recommandations nutritionnelles habituelles. Deux nutritionnistes nous partagent leurs avis et leurs recommandations sur le sujet.

Les tendances alimentaires, un danger sous-estimé

L’origine des mois sans et comment cette tendance s’est propagée sur les réseaux sociaux

À chaque début d’année, après les excès des fêtes, l’hashtag #LeDéfiDeJanvier ou #DryJanuary se fait une place dans les sujets les plus abordés sur Internet. Le but : « ne pas boire d’alcool pendant un mois et rejoindre une communauté de plusieurs millions de personnes qui vont ensemble changer leur rapport à l’alcool », peut-on lire sur le site dryjanuary.fr.

Si le concept s’est popularisé au Royaume-Uni au début des années 2010, c’est en fait le gouvernement finlandais qui est à l’origine de l’idée dès 1942. En pleine guerre mondiale, le « Sober January » permettait à tous de contribuer à l’effort de guerre, mais la campagne n’eut pas le succès escompté.

En 2013, le concept a été repris par l’organisation à but non lucratif Alcohol Change UK afin de collecter des fonds pour l’abus et le traitement de l’alcool. Pour ce faire, l’ONG a misé sur les réseaux sociaux pour véhiculer son message.

Le challenge est vite devenu viral et s’est transformé en un phénomène mondial.

Depuis la popularisation du « janvier sobre », d’autres mois à thème ont vu le jour. C’est, par exemple, le cas du veganuary qui incite donc à manger vegan pendant un mois entier. L’idée a été inventée par une ONG éponyme créée, elle aussi, au Royaume-Uni en 2014.

Le concept s’est ensuite importé en France. Si ces associations ont particulièrement fait parler d’elles, d’autres mois se font peu à peu connaître tel que le mois sans sucre.

Tous ne sont pas pour autant axés sur les habitudes alimentaires, il existe également des mois sans tabac, sans déchet, sans neuf (qui consiste à ne pas faire d’achat d’objets neufs pendant un mois), sans réseaux sociaux, sans restaurant…

Les tendances alimentaires extrêmes ont toujours existé (détox, cures, régimes, mono-aliment…) et n’ont jamais prouvé leur efficacité

Les restrictions alimentaires existaient déjà au temps des Grecs, et se sont amplifiées avec le culte de la minceur au début du XXe siècle.

Un régime restrictif, quel qu’il soit, a deux possibles effets « soit il y a une trop forte frustration pendant un mois, et les mois qui suivent on redouble d’alcool, de viande, de sucre… avec parfois un comportement alimentaire un peu compulsif et excessif. Ou on a une reprise normale des habitudes »,

explique Marie-Laure Beaussart.

Lorsque la restriction calorique dure dans le temps, elle peut alors donner lieu à des désordres psychologiques. On risque alors de développer des troubles du comportement alimentaire, une dimension obsessionnelle, des compulsions alimentaires, et alors, être sujet à des fringales qui débouchent souvent sur une grande culpabilité.

Ces régimes restrictifs extrêmes amènent dans la plupart des cas à une reprise de poids dans l’année suivant l’arrêt du régime, d’où le fameux effet yo-yo. « La surconsommation, même de bons aliments, n’est pas bonne, tout comme la sous-consommation », résume Mickaël Dieleman.

Être régulier dans ses bonnes habitudes alimentaires est la meilleure façon d’être en forme tout au long de l’année

Les effets délétères de l’alternance excès/privations sur l’organisme (forme, estime de soi, difficultés sociales…)

Si les « mois sans » peuvent apporter des effets bénéfiques, la privation d’aliments peut avoir des impacts inattendus sur notre organisme. L’arrêt de l’alcool ou du tabac sera évidemment bénéfique pour le corps, mais se priver de sucre ou de viande peut créer un déséquilibre alimentaire. Il faut alors trouver un moyen de compenser sainement et donc de se renseigner attentivement. Par exemple, certains sous estiment la nouvelle alimentation qu’implique un régime sans viande et peuvent faire des carences ou apporter à leurs corps des nutriments inadéquats.

« Il y a une croyance collective qui dit que les légumineuses remplacent les protéines, c’est faux. En revanche, ce sont des glucides riches en protéines végétales c’est-à-dire qu’en en consommant suffisamment et en les associant avec des céréales, on va retrouver avec des acides aminés et des protéines végétales satisfaisantes. Mais ça ne remplace pas un morceau de viande », explique Mickaël Dieleman.

Marie-Laure Beaussart se montre tout aussi mitigée sur l’alternance excès/privation. « Les mois sans alcool ou tabac, je dirai « pourquoi pas » parce que ce n’est pas indispensable à la vie de nos cellules. En revanche, les mois sans sucre et sans viande, je dis “attention danger” parce que le sucre et la viande sont deux pourvoyeurs d’énergie », explique l’experte en nutrition.

Outre leur impact sur notre vitalité, les mois de restriction peuvent également modifier nos rapports avec notre entourage. C’est, par exemple, le cas des végétariens à qui il est souvent demandé d’expliquer les raisons de ce choix et de s’adapter aux menus de leurs hôtes. Il en est de même pour les personnes qui tirent un trait sur le sucre : la privation peut parfois créer une grande fatigue et rendre irritable.

Enfin, lorsque l’on souhaite diminuer notre consommation d’alcool, il n’est pas rare d’être confronté à des étonnements ou à des incitations à mettre de côté pour un soir cette résolution.

« La sociabilité, la convivialité sont très souvent liées à l’alcool. L’idéal est d’être modéré. Je propose à mes clients de ne prendre qu’un verre et de le savourer, de boire et manger en conscience. L’idée, c’est de consommer moins, mais mieux »

explique Marie-Laure Beaussart.

Un régime alimentaire sain, régulier, sans privation est le seul régime qui permette de se sentir bien toute l’année et de manière durable.

Si pour certains la privation d’un produit est l’unique moyen de parvenir à un arrêt total de son utilisation dans le temps, pour d’autres, c’est le début d’un cycle fait d’excès et de privations. Sauf en cas d’allergie, d’hypersensibilité ou d’idéologie, l’arrêt net d’un aliment tend plutôt à des effets négatifs sur le long terme.

Si la raison première est de trouver un équilibre alimentaire, alors mieux vaut revenir à une alimentation plus simple, car le bien-manger est bien plus facile qu’on ne le pense.

« On a souvent l’impression que manger équilibré, c’est se priver ou manger des super aliments. Ma définition de l’équilibre alimentaire, c’est manger tout ce qu’il nous faut pour rester en bonne santé, pour un poids donné », détaille Mickaël Dielman.

Qu’est-ce qu’un régime alimentaire sain et durable alors ? Pour le savoir, il faut se tourner vers les recommandations nutritionnelles du Programme National Nutrition Santé (PNNS). Pour un adulte, cela consiste à consommer au moins 5 fruits et légumes par jour (2 fruits et 3 portions de légumes), des féculents à chaque repas selon l’appétit, 3 produits laitiers (lait, yaourt, fromage) par jour, 1 à 2 portions de viande, œufs et produits de la pêche par jour et beaucoup d’eau.

L’idéal est de limiter les matières grasses ajoutées, le sucre et le sel tout en faisant une activité physique régulière. Selon les activités physiques de chacun, l’âge et le sexe, certains auront besoin de plus vitamines, de fibres, et de protéines que d’autres. Ce régime assez simple, que nos grands-parents suivaient, autorise tout à fait des petits plaisirs gustatifs occasionnels.

Finalement, ce n’est pas la privation qui permet de se sentir bien, mais la modération. L’Homme étant, par nature, un omnivore, il a besoin de tout en quantité raisonnable. C’est pourquoi les « mois sans », qui peuvent être violents pour le corps si mal réalisés, ne sont pas à tout le monde.

« Pour moi, les « mois sans » s’adressent surtout aux personnes en excès : cela peut être une prise de conscience pour se rendre compte que l’on peut manger ou boire moins et adopter de nouvelles habitudes alimentaires », explique Marie-Laure Beaussart.

Ainsi, plutôt que de suivre des tendances alimentaires sans accompagnement médical ou diététique, mieux vaut s’orienter vers des régimes plus équilibrés et durables comme le flexitarisme.