Si les dépenses alimentaires sont au cœur des préoccupations des Français, le bien manger est devenu depuis quelques années une exigence tout aussi importante. Zoom sur ces nouvelles attentes avec, en prime, les conseils de la nutritionniste Marie-Laure André pour adopter de bonnes pratiques alimentaires tout en maîtrisant son budget.
Les Français ont depuis longtemps un rapport privilégié avec leur alimentation. S’ils ont toujours été attentifs à la qualité gustative de leurs produits, leurs exigences portent aussi depuis quelques années sur l’impact de leur alimentation sur leur santé. Mais l’inflation actuelle engendre des difficultés économiques et pousse les ménages à devoir allier leurs convictions avec leur budget. Comment répondre à la fois à ces exigences du bien manger et à celles du portefeuille ?
Les exigences nutritionnelles des Français en 2022 et la question du pouvoir d’achat
Les évolutions des exigences depuis les dix dernières années
Alimentation variée, attention aux valeurs nutritionnelles, consommation de légumes et de fruits… Si les Français portaient déjà un regard attentif sur leur alimentation, cette tendance s’est amplifiée, notamment depuis la crise sanitaire. Ils sont désormais 83 % à accorder de l’importance à leur alimentation au quotidien selon une étude d’OpinionWay pour la MeatLab Charal datant de 2021. Si le goût et le plaisir de manger restent très importants pour les Français, la qualité du produit (68 %) et son impact sur la santé (66 %) sont aussi des critères majeurs.
Comment se matérialisent ces évolutions de comportements alimentaires ces dernières années ? Selon la 2e édition de l’Observatoire Alimentation & Familles d’Ipsos [1], 32 % des Français déclarent avoir réduit le sucre, tandis que 31 % privilégient de plus en plus le fait maison pour le goûter des enfants.
Si le bio continue d’être plébiscité par un grand nombre de consommateurs (29 %), il est en perte de vitesse ces derniers mois. La raison est simple : il est souvent jugé trop cher (par 91 % des Français [2]), et est concurrencé par le local, les produits de saison et les nouveaux labels.
Ainsi, les Français ont modifié leurs habitudes alimentaires, mais leurs exigences devraient s’accentuer à l’avenir. Trois tendances se dégagent déjà [3] : leurs préoccupations écologiques croissantes, l’impact de leur alimentation sur leur santé (avec une demande pour des produits plus naturels et bienfaisants), et la sécurité alimentaire (pour les consommateurs et les agriculteurs). L’agriculture va devoir répondre à ces attentes qualitatives tout en pourvoyant aux quantités nécessaires. Un défi qui devra s’accorder à des coûts abordables.
Un budget disponible qui se resserre
Ce début d’année 2022 a marqué un tournant dans le pouvoir d’achat des Français. En effet, les tensions sur les matières premières et les conséquences de la guerre en Ukraine se répercutent directement dans le panier des consommateurs. Une situation qui pourrait les décourager, d’autant que le prix représentait déjà le principal obstacle à une alimentation plus équilibrée pour 47 % des Français [4].
En France, en 2021, le budget alimentaire est très disparate selon les revenus des ménages. Les dépenses varient de 558 euros par mois (pour les revenus supérieurs à 3500 euros) à 213 euros pour les ménages modestes (revenus inférieurs à 1000 euros par mois). Ce budget regroupe aussi bien les courses alimentaires que les sorties au restaurant et la cantine.
En moyenne, on estime que le budget alimentaire d’un Français est de 295 euros par mois, de 389 euros pour un couple marié, et enfin de 550 euros pour un couple avec enfant(s) [5]. Les exigences nutritionnelles des Français doivent donc aller de pair avec un budget en baisse qui cumule les dépenses du logement (le premier budget) et du transport (le deuxième budget). L’accès aux produits sains est donc plus difficile, mais pas impossible pour autant.
Construire chaque semaine un panier équilibré qui respecte son budget
Les recommandations pour manger sain
Le Programme national nutrition santé (PNNS) a établi des recommandations nutritionnelles dont certaines sont devenues bien connues. On pense notamment au célèbre « pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé » ou encore « mangez cinq fruits et légumes par jour ». Mais, plus concrètement, comment construire un panier équilibré chaque semaine ?
Pour la diététicienne-nutritionniste Marie-Laure André, manger sain, c’est « manger de tout en quantité mesurée ». Enfant comme adulte doivent consommer des produits céréaliers (pain, riz, pâtes, semoule, boulgour…) ou des légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots blancs, flageolets…) à chaque repas. Il faut aussi boire entre 1 et 1,5 litre d’eau par jour.
En ce qui concerne les produits laitiers, leur quantité varie selon les experts. Marie-Laure André conseille deux à trois produits laitiers par jour selon l’âge.
Par exemple, « les adolescents ont des besoins beaucoup plus élevés que ceux des adultes. Ils sont en pleine croissance, il faut alors reconstruire les apports en protéines autour de nouveaux besoins », explique la nutritionniste. Un verre de lait, un yaourt, un morceau de fromage : chacun peut trouver plaisir à manger un produit laitier.
En ce qui concerne la quantité de viande, les diverses agences de santé (PNNS, ANSES, SPF…) recommandent de ne pas dépasser 500 grammes de viande rouge par semaine. Rien de bien restrictif puisque cela correspond à trois ou quatre steaks.
Mieux vaut varier les plaisirs et en consommer deux à trois par semaine en alternant avec des viandes blanches et du poisson. « Attention à ne pas prendre systématiquement des viandes trop grasses, comme le porc ou l’agneau », indique la nutritionniste. Il existe des viandes peu chères mais riches en nutriments, c’est notamment le cas des steaks hachés à 5 % de matières grasses.
Marie-Laure André souligne qu’il n’est pas nécessaire de donner de viande le soir à un enfant de moins de 6 ans. « Il a des besoins en protéines assez faibles ; le midi, c’est suffisant », explique-t-elle. À la place, mieux vaut privilégier le soir une assiette à base de féculents et de légumes avec un petit complément qui apporte des protéines, comme un produit laitier. « Cela peut être des coquillettes avec des aubergines et du fromage râpé », conseille la nutritionniste.
Comment bien manger sans se priver ?
Pour respecter le budget, l’idéal est « de ne pas gaspiller de l’argent dans des aliments bas de gamme et des sodas ou alcools, mais de l’utiliser pour des aliments de haute qualité nutritive », conseille Marie-Laure André.
L’achat de fruits et légumes de saison et le fait maison sont les meilleures manières de bien manger tout en respectant son budget. Certes, acheter des plats précuisinés est pratique, mais ils contiennent souvent des additifs, du sel, du sucre ainsi que des graisses en trop grande quantité. Le conseil de Marie-Laure André : « Ne pas gaspiller et optimiser les restes. » Pour cela, le « batch-cooking » peut permettre des économies et un gain de temps important.
Le principe : cuisiner pendant une ou deux heures le dimanche pour préparer trois ou quatre repas de la semaine. La méthode permet d’éliminer la charge mentale des repas, mais surtout de faire des économies, de manger équilibré et d’éviter le gaspillage alimentaire.
L’astuce est d’optimiser les gestes en cuisine et de lancer les cuissons simultanément. Pour y parvenir, il faut décider à l’avance des recettes de la semaine, faire ses courses avec une liste de courses établie et cuisiner un autre jour (le dimanche de préférence).
Pourquoi cette méthode permet-elle de faire des économies ? Parce qu’en planifiant des repas, nous sommes moins tentés d’acheter des produits non nécessaires lors des courses. Planifier permet aussi de ne pas avoir à faire des dépenses supplémentaires, comme les déjeuners auxquels nous pensons au dernier moment et qui mènent souvent vers un repas à emporter ou à livrer, ce qui est souvent cher. Cuisiner en plus grande quantité permet aussi de faire une plus grande économie d’énergie qui sera directement visible sur la facture.
Quid de la viande ? Même en temps d’inflation, il est possible d’en acheter sans dépasser son budget. Pour ce faire, il faut éviter la charcuterie trop grasse. Mieux vaut se tourner vers des viandes de qualité, abordables mais riches en protéines. C’est le cas du poulet (à acheter en entier plutôt qu’en morceaux), du bœuf (le steak haché 5 % ou la poire sont des morceaux peu chers mais de qualité), du porc (notamment l’échine).
Il n’y a plus qu’à alterner ces viandes avec des protéines végétales (présentes dans les légumineuses, les céréales, les légumes…) pour obtenir un régime équilibré. De façon générale, mieux vaut éviter de se priver de viande, même si le budget est restreint. En effet, les chairs animales apportent beaucoup de protéines (deux fois plus que les produits végétaux), de fer, de vitamines B9 et B12, de zinc…
Quant au poisson, dont les prix augmentent également, la solution poisson pané est économique, mais il existe des alternatives non panées (ou moins grasses) et abordables, de même que des variétés moins chères que d’autres. On pense notamment à la sardine ou au maquereau, riches en oméga 3. C’est aussi le cas du merluchon, du merlan, de la carpe… Servis avec un peu de riz et de légumes de saison, ces poissons apporteront tous les nutriments nécessaires sans se ruiner.
Il est ainsi possible de composer des repas abordables tout en répondant à l’appétit et aux besoins nutritionnels d’un adulte ou d’un enfant. Pour y parvenir, il est nécessaire de centrer son budget vers des aliments sains, de saison et variés.
Consommer mieux tout en respectant son budget ne veut pas pour autant dire qu’il faut se priver de petits plaisirs. Il suffit de faire attention à sa consommation. Mieux manger sans dépenser plus, c’est possible.
SOURCES
[1] 2e édition de l’Observatoire Alimentation & Familles d’Ipsos pour la Fondation Nestlé France
[2] Les Français, leurs agriculteurs et leur alimentation – Sondage Ifop pour Ouest France novembre 2021
[3] Consommation et pratiques alimentaires de demain : quelle incidence sur notre agriculture ? octobre 2021
[4] IPSOS – « Le modèle alimentaire français résiste et se réinvente » décembre 2020